Miroir ô mon miroir !




" Nous développons des fonctionnements internes que nous répétons inconsciemment dans nos relations affectives chaque fois qu'un déclencheur extérieur présent rappelle à notre mémoire inconsciente des expériences passées, fonctionnements qui nous privent de la liberté de gérer nos réactions"

 Colette PORTELANCE, La liberté dans la relation affective - Editions du CRAM -

Cela fait déjà plusieurs semaines que j'accompagne Julien * dans le cadre de mon travail avec le cheval. C'est un enfant qui a de grandes difficultés à respecter le cadre, à respecter les consignes qui lui sont données. Il réagit par des accès de colère, qui peuvent être parfois violentes dans les mots, insultes, "noms d'oiseaux de toutes sortes"...

Au fur et à mesure des séances, j'avais de plus en plus de mal de supporter ses crises. Je n'arrivais plus à prendre la distance nécessaire et je vois que cela m'impactait personnellement : je ne me sentais pas  respectée et cela me faisait vivre beaucoup de colère intérieure que je réfrénais. L'autre conséquence, c'est que je n'arrivais plus à revenir en relation avec Julien après les crises. Je restais sur la défensive. Je ne me sentais plus en sécurité avec lui, j'avais peur d'être manipulée, peur de perdre mon autorité et le contrôle de la situation.

J'ai pris conscience que Julien dans ces moments de colère était le miroir de l'enfant rebelle que j'ai été. Pendant toute une période de ma vie d'enfant je ne supportais pas les règles que mes parents m'imposaient, je réagissais par des crises de colère intense contre l'autorité parentale. J'étais avec eux dans un rapport de force. C'était ma façon d'exister, de prendre ma place. De guerre lasse, mes parents ont "abandonné la lutte". Ce qui me monte en mémoire, c'est qu'à travers cet "abandon" de mes parents face à mon comportement, je me suis sentie abandonnée. L'effet extrême fut que, pour ne pas perdre l'amour de mes parents, je me suis soumise, je suis devenue une enfant sage et me suis enfermée dans mon monde intérieur. Je n'en veux pas à mes parents, ils ont fait du mieux qu'ils pouvaient avec ce qu'ils étaient et je n'en doute pas, avec amour.
Aujourd'hui, en accueillant la peur de ne pas être aimée, la peur de ne pas avoir eu ma place au sein de ma famille, en accueillant la souffrance de l'enfant que j'ai été et qui s'exprimait par la colère, j'ai ouvert tout un espace de liberté intérieure. L'adulte que je suis, en m'assumant dans ma responsabilité, et non pas en blâmant mes parents, a su mobiliser ses propres ressources. J'ai ainsi construit une sécurité intérieure qui fait que je ne me sens plus "menacée" par les crises de colère de Julien, même si elle peuvent encore me déclencher dans de la colère ou de l'agacement, mais elles n'ont plus le même impact aussi intense.

Je constate surtout que ma relation à Julien est devenue plus fluide et plus apaisée. Je suis davantage sensible à ce qu'il vit quand il est déclenché par le cadre, les règles que je lui donne. L'impact sur Julien c'est qu'il exprime ses peurs, les moments plus difficiles pour lui et aussi ses moments de plaisir. Je peux dire que je m'assume comme autorité bienveillante et que cela me fait vivre un vrai bonheur.

* par souci de confidentialité, le prénom a été changé

"Que l'on soigne les âmes ou les corps, que l'on intervienne comme travailleur social, psychologue, médecin, infirmière ou autre, on ne peut soigner et accompagner l'autre sans d'abord prendre soin de soi-même et s'accompagner comme être humain sur ses propres chemins de vie"

Valois ROBICHAUD, Soigner c'est aimer l'autre et l'accompagner - Editions du CRAM -

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